Pour une synergie d’actions entre chercheurs du Nord et du Sud
Des chercheurs dans l'Unité de recherches en prévention des IST-VIH/SIDA
Le projet de renforcement de capacités de recherche en prévention du VIH/Sida en Afrique francophone mis en œuvre au Bénin, dans le cadre de l’Initiative de recherche en santé mondiale (Irsm), est arrivé à son terme. Financé par cette dernière institution avec la participation du Centre de recherche pour le développement international (Crdi), le projet a à son actif plusieurs acquis dont la création d’une « Unité de recherche en prévention des IST/VIH/Sida » ainsi que la mise en place d’un « comité d’éthique pour la recherche en santé au Bénin». Deus structures qui fonctionnent en apportant un précieux concours à la promotion de la recherche en Afrique francophone dans une synergie d’action entre chercheurs du Nord et du Sud.
Des formations, des stages de formation et de mise à niveau, des ateliers de renforcement de capacités, des voyages d’études, équipement, etc. sont les activités essentielles du projet de renforcement de capacités de recherche en prévention des IST/VIH/Sida en Afrique francophone. Selon les acteurs et bénéficiaires du projet, au bout des deux années, ses extrants se matérialisent par l’existence, dans l’espace francophone d’Afrique, d’un plateau technique permettant la promotion de la recherche en IST/VIH/Sida du fait du renforcement de capacités des chercheurs et autres personnels associés intervenant en réseau avec leurs homologues du Nord. Aussi, désormais il est créé au Bénin une unité de recherche en IST/VIH/Sida disposant d’un local équipé qui reçoit quotidiennement des chercheurs qui gagnent du temps pour mettre en œuvre leur protocole de recherche. L’un des impacts bien visibles du projet au Bénin est la création d’un comité d’éthique de la recherche, composé de personnalités pluridisciplinaires formées par ailleurs dans le cadre dudit projet, chargé de valider les protocoles de recherche. Des chercheurs Burkinabé, ivoiriens, gabonais, maliens et togolais se sont associés à leurs homologues béninois et canadiens pour conduire le projet à son terme.
Une unité de recherche à soutenir
Pour le responsable de l’unité de recherche en prévention des IST/VIH/Sida, M. Marcel Zannou, la structure dont il a la charge est essentielle dans toute stratégie de promotion de recherche spécialisée. Ainsi, sa création sur la place du Bénin apporte une solution de premier ordre aux chercheurs qui gagnent désormais du temps dans l’efficacité. Ainsi, son unité dispose d’équipements informatiques lui permettant de mettre à la porté des chercheurs les bases de données que sont les meilleurs revues, les meilleurs publications et tous autres informations relatives à leurs protocoles de recherche en matière de IST/VIH/Sida. Connue et très intégrée dans le milieu de la recherche au Bénin, l’unité de recherche reçoit par jour, en moyenne, dix chercheurs issus des deux universités du Bénin. Au nombre de ceux-ci, on compte des étudiants en fin de cycle, des rédacteurs d’articles sur les IST/VIH/Sida que sont les enseignants, les médecins, les pharmaciens, les sociologues, etc.
Afin de donner des perspectives pertinentes à l’unité de recherche du professeur Zannou, il convient de souligner qu’il y a un impératif de ressources à mobiliser afin d’assurer les charges incompressibles de celle-ci. En effet, la documentaliste de l’unité est une salariée ; les abonnements aux publications spécialisées, aux revues et aux bases de données spécifiques sont à renouveler dans le temps ; la maintenance de l’équipement et autres consommables se grèvent aux précédentes charges. Par ailleurs, l’unité de recherche a, à titre expérimental, facilité des initiatives de chercheurs ayant abouti à la rédaction de deux protocoles de recherche. Le premier a trait à l’observation de la fréquence des hépatites virales chez les personnes qui ont déjà le VIH en vue d’une probable modification des politiques de prise en charge des malades. Le second protocole est relatif à l’observation de la « cryptococcose neuroméningée » fréquente chez les porteurs du VIH afin d’en faire ou non une préoccupation de santé publique.
Un comité d’éthique pour crédibiliser la recherche
Avant l’intervention du projet de renforcement de capacités de recherche en prévention des IST/VIH/Sida en Afrique francophone, c’était des comités administratifs ad hoc qui validaient les protocoles d’essais cliniques dans le cadre de la recherche en santé au Bénin. Pour remédier à cette situation qui ne garantissait pas la crédibilité des avis émis, le projet a facilité le processus de la création et de mis en place d’un « comité d’éthique » plus professionnel disposant de compétences et de capacités avérées en attendant la prise de la loi qui règlementera définitivement cette matière en République du Bénin. Déjà, ce comité, dont les membres ont été formés pour une meilleure prise en charge de leur responsabilité, a à son actif l’étude d’une trentaine de protocoles de recherche pour approbation éthique. Ce comité, installé dans les locaux de l’Administration, équipé sur financement du projet, est présidé par le professeur Flore Gangbo, médecin, ancien ministre de la santé.
Création d’un réseau de chercheurs spécialisés
Avec le projet de renforcement de capacités de recherche en prévention des IST/VIH/Sida en Afrique francophone, des chercheurs du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Gabon, du Mali et du Togo, ont collaboré, tant en Afrique et ailleurs notamment au Canada, en milieux hospitaliers, en laboratoire et à l’université avec des chercheurs occidentaux. Ainsi, il s’est créé un réseau de chercheurs Nord-Sud qui restent en contacte au-delà des interventions du projet. Suivant les témoignages des bénéficiaires, cette collaboration qui s’est créée entre chercheurs s’est faite à plusieurs niveaux lors de la mise en œuvre du projet. En effet, dans un premier temps, elle s’est faite à l’occasion des formations in situ comme à distance parfois des études diplômantes dont certaines sont encore en cours au Canada dans des cycles de doctorat ou de maîtrise spécialisés, notamment en épidémiologie, et orientés vers la promotion de la recherche. Ensuite, cette synergie des acteurs de la recherche du Nord et du Sud en matière de la prévention des IST/VIH/Sida s’est faite lors des stages effectués par des chercheurs africains francophones dans des unités de recherche en occident. Aussi, les échanges entre chercheurs au plus haut niveau ayant conduit à des collaborations fructueuses ont eu lieu à l’occasion des conférences internationales auxquelles ceux-ci ont participées avec l’appui du projet. Toute chose qui met en évidence une expérience réussie de collaboration Nord-Sud de renforcement de capacités en matière de recherche en prévention des IST/VIH/Sida en Afrique. Pour Mme Ella Goma, technicienne de laboratoire en poste au centre médical de la ville de Cotonou, une bénéficiaire du projet, le cadre de collaboration créé par le projet renforce ses capacités d’intervention à double titre. Dans un premier temps, du fait de la formation dont elle a bénéficiée grâce au projet. Secondairement, du fait de la collaboration constante lui permettant de finaliser au Canada certains essais en laboratoire démarrés à Cotonou.
La nécessité d’un financement post-projet
Les acquis du projet de renforcement de capacités de recherche en prévention du VIH/Sida sont perceptibles. Il convient aujourd’hui pour ses acteurs d’inscrire leurs œuvres dans la durée. Pour y arriver, deux institutions retiennent l’attention de tous. D’abord , l’unité de recherche qui est un centre dont la pérennité dépend pour une grande part de sa capacité à se prendre en charge en vendant les services qu’il rend à la communauté universitaire en général et au chercheurs en particulier. Mais avant d’en arriver là, selon les propos du professeur Zannou, il faut rechercher dans l’immédiat des sources de financement post-projet. Toutefois, celui-ci rassure quand à l’existence de perspectives de financement même si celle-ci tarde à se concrétiser. Aussi, en attendant la prise de la loi portant création et fonctionnement du comité d’éthique, le « comité d’éthique transitoire » installé avec le concours du projet a besoin de financement pour son fonctionnement. Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre du projet, des enquêtes ont été initiées et ont permis de suivre des cortes de porteurs du VIH et des femmes travailleuses de sexe. A la fin du projet, si aucune initiative de financement n’était prise pour assurer l’encadrement de ces cortes, le milieu de la recherche en prévention du VIH au Bénin va perdre un élément essentiel de suivi de la pandémie. Le suivi des cortes apparaît aux yeux des acteurs du projet en général et des chercheurs en particulier comme un impératif incompressible. Car, il a fallu plusieurs années de suivi permanant pour constituer lesdites cortes.
Aubin R. Towanou
Les acquis du projet en bref
Le projet de renforcement de capacités initié par les partenaires du Nord et du Sud que sont : Faculté des sciences de la santé, Cotonou, Bénin ; Centre hospitalier affilié universitaire de Québec, Canada; Hôpital Maisonnneuve-Rosemont, Montréal, Canada; Faculté de médecine, Université des Sciences de la Santé, Libreville, Gabon; Faculté des sciences & Génie, Université Laval, Québec, Canada ; Institut régional de santé publique, Ouidah, Bénin s’est déroulé de juin 2007 à décembre 2009. Il a permis de créer une unité de recherche en prévention du VIH de même qu’un comité d’éthique de la recherche en santé au Bénin, dont tous les membres ont été formés en éthique de la recherche. A ce jour, le comité d’éthique a pu étudier une trentaine de protocoles de recherche, pour approbation éthique. 3 chercheurs africains ont été formés en épidémiologie au Canada, soit 2 au doctorat et 1 à la maîtrise. Des enseignants du Nord et du Sud ont dispensé de la formation lors des 2 sessions de 2 semaines portant sur les aspects « cliniques et éthiques de laboratoire en lien aux IST/VIH/Sida » organisées au Bénin à l’intention de 19 médecins et techniciens provenant de différents pays d’Afrique francophone : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Gabon, Togo. 8 stages individuels de 4 à 6 semaines se sont également tenus au Canada. 2 ateliers de rédaction de protocoles ont été mis sur pied au Bénin à l’intention des chercheurs béninois et plusieurs participations à des conférences ont été financées. Une formation en éthique de la recherche à l’intention de 10 membres sur les 11 que compte le comité d’éthique ainsi que 2 chercheurs a été assurée à distance par l’université Laval.
A R T