L’ordre des avocats
dénonce les abus du gouvernement
La Gouvernance du bénin est marquée,
depuis peu par des actes quasiment contraires à la loi. Le gouvernement
lui-même les qualifie d’actes de gouvernement et les justifie par la raison
d’Etat. Cette situation est préoccupante en ce qu’elle engage la crédibilité de
l’Etat, la sécurité juridique, la paix sociale, l’essor économique. Les Avocats, acteurs de premier plan
dans la construction au quotidien de l’Etat de droit au Bénin, ont donné de la
voix en dressant les constats dont la teneur suit.
I - Les constats
Ils sont d’ordre social, politique et
économique :
1° -Au plan social, les syndicats et les associations
sont réduits au silence et à la résignation, en raison des mesures arbitraires
du Gouvernement ou des sévices et tortures exercées par les policiers et/ou les
militaires sur leurs membres lors de divers mouvements de protestation. Ce qui
est extrêmement grave, c’est que ces atteintes deviennent de plus en plus
fréquentes et banales. Mais en plus, des conflits d’attribution et des actes de
violence s’observent entre différents corps de police et de défense.
Ainsi : dans la gestion de la crise du PVI, à la
fin de l’année 2011, un douanier fut battu par des militaires au Port, des
bureaux de douaniers défoncés par les mêmes militaires ; à la suite d’un
incident survenu dans la nuit du 07 au 08 juin 2012, au stade de l’amitié, un
policier fut battu à sang par quatre militaires en faction. La presse rapporte
à ce sujet, sans démenti des autorités gouvernementales, que lors d’une séance
de concertation du haut commandement militaire avec les responsables de la
police, un officier supérieur de l’Armée aurait menacé de
"pulvériser" le Commissariat Central de Cotonou et le Palais de la
Justice si des sanctions étaient prises à l’encontre des militaires auteurs des
faits.
2° -Au plan politique, le dialogue et les débats
d’idées sont quasi inexistants. Les partis dits d’opposition n’ont pas libre
accès aux médias de service public et les organisations politiques peinent à
trouver le consensus nécessaire autour des questions prioritaires du
fonctionnement de l’Etat, de la justice sociale et de l’expression démocratique
notamment celle urgente de la correction de la LEPI.
3° -Au plan économique, l’environnement des affaires
souffre de la morosité ambiante, de la mal gouvernance, de
l’instrumentalisation de l’administration fiscale. Le redressement fiscal
devient l’arme pour inquiéter ou réduire au silence les acteurs économiques
nationaux qui comptent et qui opèrent dans les secteurs d’activités légales.
Cette situation contraint certains opérateurs économiques à délocaliser leurs
activités dans d’autres pays de la sous-région et donc à procéder à des
licenciements avec la large panoplie de répercussions sociales. En
contrepartie, l’informel et l’illégal dont il serait inexact de soutenir qu’ils
contribuent au fisc, occupent l’espace à l’échelle nationale, au vu et au su
des autorités compétentes.
A l’analyse, les droits humains, notamment les droits
civils, politiques sociaux et économiques, se révèlent la cible des actes attentatoires
du Gouvernement de notre pays ou de certains fonctionnaires de l’Etat qui se
sont mis au service de causes particulières contraires à leurs devoirs
citoyens. Ces actes qui sont posés avec une fréquence inquiétante depuis
quelques mois, dans l’indifférence craintive des forces vives de la Nation et
dans le silence complice de la société civile, des élus et des partenaires au
développement violent les fondamentaux de l’Etat de droit et portent gravement
atteinte autant à la liberté des personnes qu’à la jouissance paisible de leurs
biens.
Le Barreau du Bénin a donc l’impérieux devoir
d’appeler à la mesure, à la vigilance, et au respect des lois en vigueur.
II - L’Appel
Considérant que les faits
ci-dessus rappelés constituent très souvent les germes des troubles sociaux
dans bien de pays,
Considérant qu’à la Conférence des Forces vives
de la Nation de février 1990, les militaires se sont solennellement engagés à
retourner dans leurs casernes pour se consacrer à leur mission principale de
défense de l’intégrité territoriale et que sollicités exceptionnellement pour
servir au développement du pays, ils ont le devoir de poser des actes, non
d’affrontement mais de consolidation de l’Etat,
Considérant que le dialogue et la cohésion sont
incontournables au Bénin et que le débat libre et non manipulé des idées est
nécessaire,
Nous, Avocats au Barreau du Bénin, épris de paix, de
justice sociale et attachés au respect de la loi et des principes de
démocratie,
réprouvons les multiples cas de violation des
droits à la vie, à la sécurité des personnes et de leurs biens, et de manière
générale les violations des droits de la personne humaine par le Gouvernement,
réprouvons les actes de violences et de tortures
imputables aux forces de l’ordre en général et affirmons à l’endroit des
militaires et des forces de police que leur sollicitation exceptionnelle par
les autorités politiques pour des besoins de service public et d’intérêt
général ne peut justifier les dérives constatées,
affirmons à l’endroit des fonctionnaires et
autres agents de l’Etat que l’administration publique doit rester un univers de
justice et de respect des lois en vigueur. Elle doit rester neutre et ne se
prêter ni à l’arbitraire d’ordre politique ponctuel ni à l’expression de
préférences politiques personnelles,
rappelons à l’attention de tous les
fonctionnaires civils et militaires que " tout individu, tout agent de
l’Etat est délié du devoir d’obéissance lorsque l’ordre reçu constitue une
atteinte grave et manifeste au respect des droits de l’homme et des libertés
publiques " (article 19 alinéa 2 de la constitution),
invitons les autorités politiques, civiles et
militaires à revenir à l’orthodoxie, aux bonnes pratiques, aux valeurs et au
respect des textes en vigueur,
invitons enfin tous les citoyens à la veille
citoyenne et à la défense des acquis démocratiques.
Fait à Cotonou, le 22 juin 2012
Arthur A. BALLE
P/S Guy-Lambert YEKPE,
Doyen du Conseil de l’Ordre
L’Eglise
Catholique donne de la voix !
Appréciant la situation socio-politico-économique qui
prévaut actuellement au Bénin, l’IAJP (’Institut
des Artisans de Justice et de Paix/le Chant d’Oiseau lance un appel à une « prise de conscience réconciliée ». Lire
ici l’intégralité de l’appel de l’Institut « Chants d’oiseau » de
Cotonou.
APPEL A UNE PRISE DE CONSCIENCE RECONCILIEE
L’Institut des Artisans de Justice et de Paix/le Chant
d’Oiseau dont la mission est de promouvoir dans l’Esprit de l’Evangile, la
réconciliation, la justice et la paix, après avoir suivi attentivement tous les
soubresauts, économiques, sociaux et politiques qui ralentissent gravement le
processus démocratique au BENIN, ose aujourd’hui faire appel à une prise de
conscience réconciliée.
Nous avions en son temps marqué notre surprise quand
les politiciens occidentaux déclaraient que « le Etats n’ont pas d’amis,
mais des intérêts » et force est d’ajouter à cette assertion si troublante
deux autres qui nous poussent à de sérieuses interrogations : « Les
politiciens n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts » et « les
affairistes n’ont pas d’amis, mais que des intérêts ». Ce sont en effet,
les hommes politiques et les hommes d’affaires qui, orientés par des idéologies
multiples, transforment les Etats en technocratie d’intérêts, alors que le
souci primordial de l’homme en son intégralité n’apparaît plus que comme un
mince et fragile couche de vernis recouvrant une désintégration sociale bien
avancée.
Qui du politique du politique ou de l’entreprise a
raison ? Là n’est pas la question. Les passes d’armes, médiatique
justifiant ou incriminant les attitudes et décisions politiques unilatérales du
pouvoir régalien sur l’entreprise ressemble à quelques uns de ces nombreux
feuilletons télévisés dont se régalent les téléspectateurs, ici la société
civile dans son ensemble sans qu’un sursaut patriotique tous azimuts exigent
vérité et justice dans un esprit d’impartialité. Toutes nos institutions
sociales, politiques et juridiques devant servir de contre pouvoir et de
modération des pouvoirs semblent excessivement se murer dans un devoir de
réserve augurant de la triste politique de l’autruche.
Toujours est-il que le processus conflictuel interne
dans lequel notre pays s’engage avec la complicité complaisante, voir
bienveillante de tous ses citoyens, surtout de ses cadres qui en portent
actuellement une haute responsabilité morale, nous propulse aujourd’hui, dans
ce contexte politique et économique au BENIN, dans une terrible dictature de la
démocratie.
Toutes ces bagarres du faux pour le triomphe du faux,
tous ces trafiques du mensonge en politique prônés comme normes et vertus
sociales, nous conduisent à nous poser sous forme d’invitation à réfléchir et à
méditer les questions suivantes :
1- Aimons-nous vraiment notre pays ?
Les abondantes déclarations d’amour patriotiques ne
suffisent pas pour rendre crédible. Aimer suppose d’abord une humble capacité à
se mettre au service de l’autre, de la patrie avec abnégation et persévérance.
Est-ce vraiment ce que nous observons de nos politiques, entreprises et aussi
de nos simples citoyens ?
2- Pensons-nous vraiment à l’avenir de nos
enfants ?
En chantant notre hymne nationale, nous évoquons la
postérité sans malheureusement réellement prêter attention aux paroles qui plus
qu’un engagement, sont un devoir de sacrifice de soi pour inculquer les valeurs
les plus élevées à nos enfants par le témoignage du très bon exemple . Mais
aujourd’hui, nos enfants savent que « mentir vertement » peut-être
une épitaphe à ajouter à nos monuments aux morts. « Aux enfants du BENIN
morts pour la patrie » pourrait bien dans le contexte actuel se traduire « Aux
enfants du BENIN mentant bien à la patrie ».
3- Pourquoi n’avons-nous pas la grande simplicité,
voir l’humilié de reconnaitre nos erreurs et nos échecs pour mieux
rebondir ?
Nous reconnaissons ici que nos politiciens et
entrepreneurs actuels n’ont pas dans leur ensemble hérité du bon exemple. Très
peu d’hommes politiques du passé, de même que très peu d’entrepreneur de ce
même passé n’ont osé faire un examen de conscience pour reconnaitre à titre
personnel leurs efforts à succès et leurs efforts à échecs, leurs abus du
système et leurs graves manquements. Certains se présentent encore à vous
malgré leur sénilité avérée, comme des exemples atypiques à imiter ; ils
vous montrent que vivre perpétuellement au crochet de l’Etat-providence en
trafiquant des demi-vérités puis des mensonges est la meilleure politique qui
soit. Mais faut-il encore continuer à suivre des chemins d’impasse ?
Une chose est sûre : ce qui actuellement au plan
social général se passe au BENIN ne sert personne tant l’aujourd’hui que l’avenir.
Le bien commun est en péril faute de citoyen ayant la capacité de mortifier
leur volonté, leur moi, leur passion aveugle et aveuglée du pouvoir. Nos
évêques du BENIN nous enseignaient : « il est vrai, les agissements
de certains laissent croire que l’ardeur réformatrice et édificatrice du
bonheur national si souvent proclamé n’est qu’une mystification, une
couverture, une diversion, pour satisfaire leur volonté de puissance ;
volonté de pouvoir, de l’avoir, et de l’exclusivité du savoir, tellement ils
font preuve d’une insatiabilité illimitée et spoliatrice des autres et de
l’Etat ! »(Cf. lettre pastorale « Convertissez-vous et le BENIN
vivra, carême de l’an de grâce 1988). Cette lettre pastorale ne relève pas du
passé, elle est actuelle sans besoin d’actualisation.
Tout récemment le Pape Benoit XVI nous exhortait tous
dans notre salle du peuple et nous en tirions pleine d’admiration. Il
disait : « En ce moment, il y a trop de scandales et d’injustices,
trop de corruptions et d’avidité, trop de m »pris et de mensonges, trop de
violences qui conduisent à la misère et à la mort. Ces maux affligent certes
votre continent, mais également le reste du monde. Chaque peuple veut
comprendre les choix politiques et économiques qui sont faits en son nom. Il
saisit la manipulation, et sa revanche est parfois violente. Il veut participer
à la bonne gouvernance. Nous savons qu’aucun régime politique humain n’est
idéal, qu’aucun choix économique n’est neutre. Mais ils doivent toujours servir
le bien commun. »(« Aie confiance, Afrique et Lève toi ! »,
Discours de Benoit XVI au palais présidentiel de Cotonou, 19.11.2011).
Fort de ces questionnements, la parole de Dieu nous
engage : « Jésus lui dit : va et toi aussi fais de
même. »(Cf ? Luc 10, 37).
Fait à Cotonou, le 19 Juin 2012
Abbé Raymond Bernard GOUDJO
Directeur de l’IAJP- Co secrétaire de la commission
épiscopale Justice et Paix-Benin
Secrétaire de la commission justice et Paix
RECOWA/CERAO (Conférence Episcopale de l’Afrique de l’Ouest)
La lettre du
Professeur Albert Tévoédjrè au Chef de l’Etat
Le Médiateur de la République le
Professeur Albert Tévoédjrè, est très préoccupé par la situation socio-politico-économique
actuelle du Bénin. Inquiet, comme c’est le cas pour nombre de Béninois, le « Renard
de Djrègbé » a réagit en adressant une correspondance au chef de l’Etat avant
qu’il ne soit trop tard. Il a ainsi pris l’initiative de faire des propositions
au président de la République. Lire ici, et en facsimile, la première partie de
sa lettre.