jeudi 24 novembre 2011

Conséquences de la crise économique mondiale

Le franc Cfa dévalué le 1er janvier 2012?

NB: Le texte dont la teneur suit, est un article d'un confrère ivoirien, tiré d'un journal paraissant en Côte d'Ivoire. Nous le publions ici parce que nous sommes préoccupés par le sujet abordé. Déjà, en dehors de toute dévaluation du Franc Cfa, les effets pervers de l'actuelle crise mondiale doublée de la "crise de l'euro" créent déjà d'énormes distortions dans les économies africaines, notamment celle de l'Uemoa. dans un tel contexte, une dévaluation ne ferait qu'accroître les difficultés déjà suffisament perceptibles actuellement. C'est pouquoi, nous prenons ici le risque de rendre publique la présente information si elle pouvait servir à quelque chose, nous aurions fait oeuvre utile. Lire l'intégralité de l'article du confrère ivoirien.
 
Togo, Bénin, Niger, Burkina Faso… le quotidien ivoirien "Notre voie" dévoile l’objet de la tournée ouest-africaine de Ouattara. C’est une information exclusive. Les pays membres de la zone Cfa n’ont pas fini de souffrir. Cette fois, c’est le noir qu’ils vont commencer à broyer. Si rien ne vient entre temps changer la donne, dès le 1er janvier 2012, c’est-à-dire dans 40 jours, le F Cfa sera dévalué à nouveau. La parité fixe qui jusque-là était de 1 euro=655,59 F Cfa, passera à 1 euro=1000F Cfa.
 
Selon un diplomate européen, c’est pour apporter cette information aux chefs d’Etat de l’Uemoa qu’Alassane Dramane Ouattara a fait le tour de la sous-région la semaine dernière. Il a été mandaté, selon le diplomate, par le président français Nicolas Sarkozy. « En Afrique centrale, c’est à Denis Sassou Nguesso que la mission a été confiée d’informer ses homologues de la Cemac mais aussi des Comores », ajoute notre source. Le diplomate assure que Sarkozy, compte tenu des problèmes que le Président sénégalais rencontre actuellement et surtout à cause de sa grande susceptibilité, a tenu à parler personnellement à Abdoulaye Wade, lequel devrait informer son petit voisin Bissau-guinéen. Comme on peut s’en douter, cette mesure de dévaluation du F Cfa est venue de la grave crise que traverse en ce moment l’Europe de l’euro et que seule, l’Allemagne supporte à travers ses caisses. C’est donc la Chancelière allemande, Angela Merkel, qui, selon nos sources, a demandé à son homologue français, Nicolas Sarkozy, de mettre de l’ordre dans les ex-colonies françaises avant qu’il ne soit tard. Mais si l’on regarde bien le schéma, il ne s’agit pas, à travers cette mise en garde de Mme Merkel, de sauver les économies des pays de la zone F Cfa. Il s’agit bien d’aider la France à éviter de sombrer, ce qui pourrait plomber la zone euro, l’Allemagne ne pouvant plus à elle seule financer les déficits de cette zone. Mais qu’est-ce que la dévaluation du F Cfa peut bien apporter à la France au plan financier et budgétaire ? Beaucoup, beaucoup trop même.
Au travers de la guerre militaire qu’elle a menée ouvertement en Côte d’Ivoire pour renverser Laurent Gbagbo, la France a réussi à mettre sous l’éteignoir, tous les nationalistes et autres souverainistes dont le fondement de la politique est de redonner à l’Afrique, toute sa dignité. Laquelle devrait lui permettre de diversifier ses relations commerciales et politiques avec le reste du monde et non plus seulement avec l’ancienne puissance coloniale. Le cas de la Côte d’Ivoire est édifiant à cet égard. Aujourd’hui, tout semble dire que les accords de 1961, lendemain des indépendances, ont été réveillés. Les sociétés françaises ont récupéré tous les marchés. Bouygues est présent partout et il ne serait pas surprenant que, pour acheter désormais sur le marché mondial, l’Etat de Côte d’Ivoire passe forcément par l’Etat français. En d’autres termes, c’est en France que nous allons désormais acheter tout. Et comme tout cela se fait en devise (euro), nous allons dépenser beaucoup de Cfa pour obtenir peu de produits. Ce qui arrangerait vraiment la France, si l’on tient compte de l’ensemble des pays de la zone Cfa qui vont acheter sur le marché français ou qui vont être obligés de faire transiter leurs marchandises par les ports et aéroports français. Si l’on ajoute à cela l’exploitation honteuse de nos ressources à laquelle se livre en toute impunité la France, on peut dire que le pari est gagné pour Paris de trouver les milliards d’euro qu’elle cherche partout pour combler son déficit.
De l’avis d’un expert, les pays africains vont contribuer, avec cette mesure, pour 40% de leurs avoirs, au colmatage du déficit français. Comme en janvier 1994, lors de la première dévaluation, les pays africains qui font la manche recevront encore beaucoup d’argent des pays européens. Puisqu’il leur suffit de dégager 1 million d’euro pour que cela se transforme en 1milliard de F Cfa. Parions ! Les hagiographes des différents palais présidentiels chanteront à l’unisson la fameuse chanson qui ne leur réussit pourtant pas : « Pluie de milliards !!! ».
Oubliant que cet argent est à rembourser non seulement avec des intérêts mais en devise. Conséquence, la dette des pays africains toujours sous la coupole de Paris va accroître de façon vertigineuse. Sacrifiant ainsi les futures générations africaines qui, une fois aux affaires, passeront le clair de leur temps à rembourser des dettes. Depuis que Ouattara est parvenu au pouvoir, les prix des produits alimentaires de première nécessité ne font qu’augmenter à la vitesse grand V. A partir du 1er janvier prochain, ça va être plus grave. La dévaluation ne peut nous servir que si nous exportons beaucoup. Tout le monde le sait. Tous les pays de l’espace francophone importent presque tout : produits manufacturés, riz, bois, poisson etc. A partir du mois de janvier 2012, c’est maintenant 1000 fcfa pour un euro. Au moment de servir le marché intérieur, les commerçants revendeurs devront tenir compte de cette nouvelle parité fixe. Les prix vont donc gonfler et ça va chauffer dans les marmites ! Le prix du carburant va suivre la flèche dans le sens vertical. Et on n’y pourra rien. Malheur aux pauvres populations africaines !
Abdoulaye Villard Sanogo
(Quotidien "Notre Voie" Côte d’Ivoire)

mercredi 23 novembre 2011

En réponse à la lettre ouverte de l'opposition béninoise au Pape

SEM Boni Yayi, président de la République du Bénin
en arrière plan, son premier ministre Irené Koupaki
  Boni Yayi rencontre l’opposition
Les représaentants du regroupement politique de l'opposition "Union fait la Nation" ( Un ) ont été reçus le mardi 22 novembre 2011 au Palais de la présidence de la République. La délégation, conduite par son président, M. Bruno Amoussou, est allée s’enquérir des contours du dialogue politique proposé et maintes fois évoqué, par le chef de l’Etat, mais qui tarde à être mis en pratique.

La délégation de l’Union fait la Nation qui était reçue ce mardi par le président Boni Yayi au palais de la présidence de la République était également composée du coordonateur général de l'Union, Antoine Kolawolé Idji, de l’ancien ministre, Théophile Montcho et des députés Augustin Ahouanvoébla et Eric Houndété. Cette rencontre a été obtenue au lendemain de la publication de la lettre ouverte que ledit regroupement politique de l'opposition a adressée au Pape Benoît XVI qui était en visite au Bénin du 18 au 20 novembre 2011. On pourrait dire que la plainte du président Bruno Amoussou a fait mouche. De sources dignes de foi, l’Union fait la Nation s’est rendue au palais de la République pour s’informer des réelles motivations qui sous-tendent l’appel au dialogue politique lancé par le président Yayi Boni. les membres de la délégation ont voulu savoir les raisons de l’organisation du dialogue politique avant de prendre la moindre décision dans ce cadre. Mieux, le président Bruno Amoussou et les siens veulent en savoir davantage sur les conditions de la mise en œuvre de l’initiative. Mais rien de concret n’a été retenu à la fin de l’audience qui n’aura duré que 30 minutes. Le chef de l’Etat et les responsables de l’Union devraient se revoir très prochainement pour donner du contenu au nouveau cadre de discussions mis en route.
Il convient de souligner que cette rencontre est la première  que le président de la République et les membres de l’opposition ont eue depuis la présidentielle qui a constaté en avril 2011 la réélection controversée de Boni Yayi.

Une tache indélébile à l'occasion de la visite du Pape

 
Lettre ouverte de l'Union fait la Nation au Pape


A l’occasion de la visite du Pape Benoît XVI au Bénin, le regroupement de partis politiques, "Union fait la Nation" ( Un ) s’est adressé au chef de l’Eglise catholique dans une lettre datant du 16 novembre 2011. L’Un, une formation politique se réclamant de l'Opposition, y a dénoncé une régression des acquis démocratiques au Bénin au cours de ces dernières années. Elle a invité la Conférence épiscopale nationale à continuer, avec le soutien du Saint père, de s’impliquer dans la résolution des difficultés sociopolitiques nationales. Lire la lettre dont la teneur suit.

Cotonou, le 16 novembre 2011
L’Union fait la Nation
A
Sa Sainteté le Pape Benoît XVI
N/Réf. : 020./UN/PDT/CG/SP/11
Très Saint Père,
Nous souhaitons respectueusement à Votre Sainteté la plus chaleureuse bienvenue et un excellent séjour en terre africaine du Bénin. Nous vous exprimons notre profonde reconnaissance d’avoir choisi ce pays pour délivrer votre message au peuple de Dieu en Afrique. Votre visite est un honneur et un encouragement pour tous les Africains en lutte pour la vie. L’Union fait la Nation, qui vous fait parvenir cette correspondance, est un regroupement de partis politiques en désaccord avec la politique du Président Boni YAYI, actuellement au pouvoir au Bénin. Nous nous permettons ainsi d’emprunter le seul canal à notre portée pour nous adresser à vous.
Depuis la visite de Votre Sainteté au Cameroun en 2009, nous avons accueilli avec confiance les préoccupations que vous aviez confiées aux Evêques africains. Elles portent sur la Réconciliation, la justice et la paix. Parce qu’elles font l’objet de nos réflexions depuis lors, nous voudrions saisir cette opportunité pour souligner leur actualité et l’écho particulièrement favorable qu’elles rencontrent auprès des populations. En 2010, elles ont inspiré notre démarche de pardon mutuel, de réconciliation et de rassemblement.
S’il est vrai que la mondialisation, telle qu’elle fonctionne, traduit une perte des valeurs notamment de justice et de solidarité, cela explique difficilement toutes les déchéances morales et politiques auxquelles nous assistons. Les abus de positions dominantes, dans les relations entre les personnes, les familles ou les communautés à l’intérieur de nos pays ou entre les Etats, nourrissent nos interrogations sur la préservation d’une paix durable. Au Bénin, nous étions fiers de nos acquis démocratiques et de l’éclosion des libertés arrachées à un parti-Etat. Malheureusement, ces conquêtes auxquelles ont contribué des Prélats de l’Eglise catholique et des Autorités morales de stature exceptionnelle, enregistrent depuis quelques années une constante régression :
- Les Institutions républicaines et de contre pouvoir, qui assuraient un équilibre social et politique acceptable, ont perdu leur indépendance et ne garantissent plus d’espace d’expression de différences, encore moins de contradictions.
- La confiscation et l’achat des moyens de communication rendent inaudible toute parole jugée indésirable.
- La privation arbitraire et illégale du droit de vote de milliers de citoyens et leur exclusion du processus de choix des dirigeants de leur pays engendrent des frustrations aux conséquences imprévisibles.
- Les détournements de suffrages des électeurs, pour s’accaparer du pouvoir de façon frauduleuse, sèment les germes de conflits et d’antagonismes difficiles à réconcilier. Nous en avons fait l’expérience à l’occasion de l’établissement d’une liste électorale lors des dernières consultations et de déroulements de scrutins.
- La corruption généralisée, magnifiée et amplifiée à l’occasion des activités électorales, a détruit la valeur du travail. La promotion du gain facile a provoqué dans notre pays la ruine de milliers de compatriotes, abusés par des comportements équivoques de hautes autorités au côté d’escrocs. De pauvres citoyens ont ainsi perdu plus de 225 millions d’euros en 2010, bien au-delà du montant total des investissements publics durant la même année. Or, en Afrique et dans le monde, nous avions bâti notre renommée sur la qualité de notre travail.
Les discours ne manquent pourtant pas pour condamner officiellement et publiquement ces faits. Il s’agit de déclarations de principes, anesthésiantes, parfois chantées et dansées, que les actes démentent quotidiennement.
Très Saint Père,
Le Bénin a bénéficié, dans certaines circonstances difficiles de son histoire sociale et politique récente, du courage, de la clairvoyance et du dévouement d’autorités de l’Eglise catholique. L’action de Bernardin Cardinal GANTIN, de vénérée mémoire, et celle de Monseigneur Isidore de SOUZA, ont éclairé le chemin et permis au pays d’éviter des crises qui, ailleurs, se seraient sans doute transformées en violences sanglantes. Nous leur disons Merci. Ces dernières années, la société béninoise subit des traumatismes qui sont autant de menaces pour la réconciliation, la justice et la paix. Pendant ces temps de souffrance, elle aurait aimé qu’une parole de vérité fût dite à qui la méritait. Nous l’attendions de nos Autorités morales qui, pour la plupart, n’ont pas pris ce risque. Certaines se sont tues, tout simplement.
Cependant nous voudrions remercier la Conférence épiscopale pour son implication dans la résolution de difficultés qui surviennent dans notre pays. Elle le fait autant qu’elle le peut, peut-être en deçà de nos immenses attentes. L’Eglise catholique, qui célèbre les cent cinquante ans d’évangélisation du Bénin, a été constamment présente dans l’histoire de notre pays durant cette période. Elle y a joué un rôle déterminant que nous saluons et encourageons. Aussi voudrions-nous compter sur Elle pour inscrire dans nos cœurs et dans nos comportements la réconciliation, la justice et la paix.
Nous espérons humblement que vous continuerez de vous souvenir de l’Afrique dans vos prières.
Nous vous prions d’agréer, Très Saint Père, l’hommage déférent de notre très haute considération.

L’Union fait la Nation
Bruno Ange-Marie AMOUSSOU
Le Président
 

mardi 22 novembre 2011

Actualités ouest africaines

L’UEMOA confirme la nomination de Cheikh Hadjibou Soumaré
 
L’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) a confirmé la nomination de l’ancien Premier ministre sénégalais, Cheikh Hadjibou Soumaré, au poste de président de la commission de ladite organisation, dans un communiqué le vendredi dernier. Telle est l'information publiée par le site internet de "telediaspora.net". Selon la même source, M. Soumaré était membre de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), au titre de la République du Sénégal. Une nomination qui met fin à plusieurs mois de fonctionnement au rabais de la commission depuis que les ambitions présidentielles du précédent président ont pris le pas sur toutes les activités de l'organisation régionale.
 

dimanche 20 novembre 2011

A l'occasion de la visite du souverin pontif au Bénin

 Les Vérités de Benoit XVI au Continent Africain


Le 19 novembre 2011, à l'occasion de sa rencontre avec les corps constitués de la nation béninoise au Palais de la présidence de la République, Sa Sainteté, le Pape Benoît XVI s'est adressé aux classes politiques africaines. Voici le discours qu'il a prononcé.

Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs les représentants des Autorités civiles, politiques et religieuses, Mesdames et Messieurs les Chefs de mission diplomatique, Chers frères dans l’Épiscopat, Mesdames, Messieurs, chers amis, DOO NUMI ! (salut solennel en fon) Vous avez désiré, Monsieur le Président, m’offrir l’occasion de cette rencontre devant une assemblée prestigieuse de personnalités.

 
C’est un privilège que je sais apprécier, et je vous remercie de grand coeur pour les aimables paroles que vous venez de m’adresser au nom de l’ensemble du peuple béninois. Je remercie également Monsieur le représentant des Corps Constitués pour ses mots de bienvenue. Je forme les voeux les meilleurs à l’intention de toutes les personnalités présentes qui sont des acteurs de premier ordre, et à différents niveaux, de la vie nationale béninoise. Souvent, dans mes interventions antérieures, j’ai uni au mot Afrique celui d’espérance. Je l’ai fait à Luanda voici deux ans et déjà dans un contexte synodal. Le mot espérance figure d’ailleurs plusieurs fois dans l’Exhortation apostolique post-synodale Africae munus que je vais signer tout à l’heure. Lorsque je dis que l’Afrique est le continent de l’espérance, je ne fais pas de la rhétorique facile, mais j’exprime tout simplement une conviction personnelle, qui est également celle de l’Église. Trop souvent, notre esprit s’arrête à des préjugés ou à des images qui donnent de la réalité africaine une vision négative, issue d’une analyse chagrine. Il est toujours tentant de ne souligner que ce qui ne va pas ; mieux encore, il est facile de prendre le ton sentencieux du moralisateur ou de l’expert, qui impose ses conclusions et propose, en fin de compte, peu de solutions adaptées. Il est tout aussi tentant d’analyser les réalités africaines à la manière d’un ethnologue curieux ou comme celui qui ne voit en elles qu’un énorme réservoir énergétique, minéral, agricole et humain facilement exploitable pour des intérêts souvent peu nobles. Ce sont là des visions réductrices et irrespectueuses, qui aboutissent à une chosification peu convenable de l’Afrique et de ses habitants. J’ai conscience que les mots n’ont pas partout le même sens. Mais, celui d’espérance varie peu selon les cultures. Il y a quelques années déjà, j’ai consacré une Lettre encyclique à l’espérance chrétienne. Parler de l’espérance, c’est parler de l’avenir, et donc de Dieu ! L’avenir s’enracine dans le passé et le présent. Le passé, nous le connaissons bien, regrettant ses échecs et saluant ses réalisations positives. Le présent, nous le vivons comme nous le pouvons. Au mieux j’espère, et avec l’aide de Dieu ! C’est sur ce terreau composé de multiples éléments contradictoires et complémentaires qu’il s’agit de construire avec l’aide de Dieu. Chers amis, je voudrais lire, à la lumière de cette espérance qui doit nous animer, deux réalités africaines qui sont d’actualité. La première se réfère plutôt de manière générale à la vie sociopolitique et économique du continent, la seconde au dialogue interreligieux. Ces réalités nous intéressent tous, car notre siècle semble naître dans la douleur et avoir du mal à faire grandir l’espérance dans ces deux domaines particuliers. Ces derniers mois, de nombreux peuples ont manifesté leur désir de liberté, leur besoin de sécurité matérielle, et leur volonté de vivre harmonieusement dans la différence des ethnies et des religions. Un nouvel État est même né sur votre continent. Nombreux ont été également les conflits engendrés par l’aveuglement de l’homme, par sa volonté de puissance et par des intérêts politico-économiques qui font fi de la dignité des personnes ou de celle de la nature. La personne humaine aspire à la liberté ; elle veut vivre dignement ; elle veut de bonnes écoles et de la nourriture pour les enfants, des hôpitaux dignes pour soigner les malades ; elle veut être respectée ; elle revendique une gouvernance limpide qui ne confonde pas l’intérêt privé avec l’intérêt général ; et plus que tout, elle veut la paix et la justice. En ce moment, il y a trop de scandales et d’injustices, trop de corruption et d’avidité, trop de mépris et de mensonges, trop de violences qui conduisent à la misère et à la mort. Ces maux affligent certes votre continent, mais également le reste du monde. Chaque peuple veut comprendre les choix politiques et économiques qui sont faits en son nom. Il saisit la manipulation, et sa revanche est parfois violente. Il veut participer à la bonne gouvernance. Nous savons qu’aucun régime politique humain n’est idéal, qu’aucun choix économique n’est neutre. Mais ils doivent toujours servir le bien commun. Nous nous trouvons donc en face d’une revendication légitime qui touche tous les pays, pour plus de dignité, et surtout pour plus d’humanité. L’homme veut que son humanité soit respectée et promue. Les responsables politiques et économiques des pays se trouvent placés devant des décisions déterminantes et des choix qu’ils ne peuvent plus éviter. De cette tribune, je lance un appel à tous les responsables politiques et économiques des pays africains et du reste du monde. Ne privez pas vos peuples de l’espérance ! Ne les amputez pas de leur avenir en mutilant leur présent ! Ayez une approche éthique courageuse de vos responsabilités et, si vous êtes croyants, priez Dieu de vous accorder la sagesse ! Cette sagesse vous fera comprendre qu’étant les promoteurs de l’avenir de vos peuples, il faut devenir de vrais serviteurs de l’espérance. Il n’est BUREAU DE PRESSE DU SAINT-SIÈGE 3/2 pas facile de vivre la condition de serviteur, de rester intègre parmi les courants d’opinion et les intérêts puissants. Le pouvoir, quel qu’il soit, aveugle avec facilité, surtout lorsque sont en jeu des intérêts privés, familiaux, ethniques ou religieux. Dieu seul purifie les coeurs et les intentions. L’Église n’apporte aucune solution technique et n’impose aucune solution politique. Elle répète : n’ayez pas peur ! L’humanité n’est pas seule face aux défis du monde. Dieu est présent. C’est là un message d’espérance, une espérance génératrice d’énergie, qui stimule l’intelligence et donne à la volonté tout son dynamisme. Un ancien archevêque de Toulouse, le Cardinal Saliège disait : « Espérer, ce n’est pas abandonner ; c’est redoubler d’activité ». L’Église accompagne l’État dans sa mission ; elle veut être comme l’âme de ce corps en lui indiquant inlassablement l’essentiel : Dieu et l’homme. Elle désire accomplir, ouvertement et sans crainte, cette tâche immense de celle qui éduque et soigne, et surtout de celle qui prie sans cesse (cf. Lc 18, 1), qui montre où est Dieu (cf. Mt 6, 21) et où est l’homme véritable (cf. Mt 20, 26 et Jn 19, 5). Le désespoir est individualiste. L’espérance est communion. N’est-ce pas là une voie splendide qui nous est proposée ? J’y invite tous les responsables politiques, économiques, ainsi que le monde universitaire et celui de la culture. Soyez, vous aussi, des semeurs d’espérance ! Je voudrais maintenant aborder le second point, celui du dialogue interreligieux. Il ne me semble pas nécessaire de rappeler les récents conflits nés au nom de Dieu, et les morts données au nom de Celui qui est la Vie. Toute personne de bon sens comprend qu’il faut toujours promouvoir la coopération sereine et respectueuse des diversités culturelles et religieuses. Le vrai dialogue interreligieux rejette la vérité humainement égocentrique, car la seule et unique vérité est en Dieu. Dieu est la Vérité. De ce fait, aucune religion, aucune culture ne peut justifier l’appel ou le recours à l’intolérance et à la violence. L’agressivité est une forme relationnelle assez archaïque qui fait appel à des instincts faciles et peu nobles. Utiliser les paroles révélées, les Écritures Saintes ou le nom de Dieu, pour justifier nos intérêts, nos politiques si facilement accommodantes, ou nos violences, est une faute très grave. Je ne peux connaître l’autre que si je me connais moi-même. Je ne peux l’aimer, que si je m’aime moi-même (cf. Mt 22, 39). La connaissance, l’approfondissement et la pratique de sa propre religion sont donc essentielles au vrai dialogue interreligieux. Celui-ci ne peut que commencer par la prière personnelle sincère de celui qui désire dialoguer. Qu’il se retire dans le secret de sa chambre intérieure (cf. Mt 6, 6) pour demander à Dieu la purification du raisonnement et la bénédiction pour la rencontre désirée. Cette prière demande aussi à Dieu le don de voir dans l’autre un frère à aimer, et dans la tradition qu’il vit, un reflet de la vérité qui illumine tous les hommes (Nostra Aetate 2). Il convient donc que chacun se situe en vérité devant Dieu et devant l’autre. Cette vérité n’exclut pas, et elle n’est pas une confusion. Le dialogue interreligieux mal compris conduit à la confusion ou au syncrétisme. Ce n’est pas ce dialogue qui est recherché. Malgré les efforts accomplis, nous savons aussi que, parfois, le dialogue interreligieux n’est pas facile, ou même qu’il est empêché pour diverses raisons. Cela ne signifie en rien un échec. Les formes du dialogue interreligieux sont multiples. La coopération dans le domaine social ou culturel peut aider les personnes à mieux se comprendre et à vivre ensemble sereinement. Il est aussi bon de savoir qu’on ne dialogue pas par faiblesse, mais qu’on dialogue parce que l’on croit en Dieu. Dialoguer est une manière supplémentaire d’aimer Dieu et le prochain (cf. Mt 22, 37) sans abdiquer ce que l’on est. Avoir de l’espérance, ce n’est pas être ingénu, mais c’est poser un acte de foi en un avenir meilleur. L’Église catholique met ainsi en oeuvre l’une des intuitions du Concile Vatican II, celle de favoriser les relations amicales entre elle et les membres de religions non-chrétiennes. Depuis des décennies, le Conseil Pontifical qui en a la gestion, tisse des liens, multiplie les rencontres, et publie régulièrement des documents pour favoriser un tel dialogue. L’Église tente de la sorte de réparer la confusion des langues et la dispersion des coeurs nées du péché de Babel (cf. Gn 11). Je salue tous les responsables religieux qui ont eu l’amabilité de venir ici me rencontrer. Je veux les assurer, ainsi que ceux des autres pays africains, que le dialogue offert par l’Église catholique vient du coeur. Je les encourage à promouvoir, surtout parmi les jeunes, une pédagogie du dialogue, afin qu’ils découvrent que la conscience de chacun est un sanctuaire à respecter, et que la dimension spirituelle construit la fraternité. La vraie foi conduit invariablement à l’amour. C’est dans cet esprit que je vous invite tous à l’espérance. Ces considérations générales s’appliquent de façon particulière à l’Afrique. Sur votre continent, nombreuses sont les familles dont les membres professent des croyances différentes, et pourtant les familles restent unies. Cette unité n’est pas seulement voulue par la culture, mais c’est une unité cimentée par l’affection fraternelle. Il y a naturellement parfois des échecs, mais aussi beaucoup de réussites. Dans ce domaine particulier, l’Afrique peut fournir à tous matière à réflexion et être ainsi une source d’espérance. Pour finir, je voudrais utiliser l’image de la main. Cinq doigts la composent, et ils sont bien différents. Chacun d’eux pourtant est essentiel, et leur unité forme la main. La bonne entente entre les cultures, la considération non condescendante des unes pour les autres, et le respect des droits de chacune sont un devoir vital. Il faut l’enseigner à tous les fidèles des diverses religions. La haine est un échec, l’indifférence une impasse, et le dialogue une ouverture ! N’est-ce pas là un beau terrain où seront semées des graines d’espérance ? Tendre la main signifie espérer pour arriver, dans un second temps, à aimer. Quoi de plus beau qu’une main tendue ? Elle a été voulue par Dieu pour offrir et recevoir. Dieu n’a pas voulu qu’elle tue (cf. Gn 4, 1ss) ou qu’elle fasse souffrir, mais qu’elle soigne et qu’elle aide à vivre. À côté du coeur et de l’intelligence, la main peut devenir, elle aussi, un instrument du dialogue. Elle peut faire fleurir l’espérance, surtout lorsque l’intelligence balbutie et que le coeur trébuche. Selon les Saintes Écritures, trois symboles décrivent l’espérance pour le chrétien : le casque, car il protège du découragement (cf. 1 Th 5, 8), l’ancre sûre et solide qui fixe en Dieu (cf. Hb 6, 19), et la lampe qui permet d’attendre l’aurore d’un jour nouveau (cf. Lc 12, 35-36). Avoir peur, douter et craindre, s’installer dans le présent sans Dieu, ou encore n’avoir rien à attendre, sont autant d’attitudes étrangères à la foi chrétienne (cf. saint Jean Chrysostome, Homélie XIV sur l’Epitre aux Romains, n. 6, PG 45, 941C) et, je crois, à toute autre croyance en Dieu. La foi vit le présent, mais attend les biens futurs. Dieu est dans notre présent, mais il vient aussi de l’avenir, lieu de l’espérance. La dilatation du coeur est non seulement l’espérance en Dieu, mais aussi l’ouverture au souci des réalités corporelles et temporelles pour glorifier Dieu. À la suite de Pierre dont je suis le successeur, je souhaite que votre foi et votre espérance soient en Dieu (cf. 1 P 1, 21). C’est là le voeu que je formule pour l’Afrique tout entière, elle qui m’est si chère ! Aie confiance, Afrique, et lève toi ! Le Seigneur t’appelle. Que Dieu vous bénisse ! Merci.

Le Pape Benoît XVI au Bénin

Discours du Pape Benoit XVI à sa descente à cotonou
En visite au Bénin du 18 au 20 novembre 2011, Sa Sainteté, le Pape Benoît XVI s'est adressé plusieurs fois aux Béninois et à travers eux, à toute la communauté africaine. Lire ici son discours prononcé le 18 novembre à sa descente d'avion.

Monsieur le Président de la République, Messieurs les Cardinaux, Monsieur le Président de la Conférence Épiscopale du Bénin, Autorités civiles, ecclésiales et religieuses présentes, Chers amis,

Je vous remercie, Monsieur le Président, pour vos chaleureuses paroles d’accueil. Vous savez l’affection que je porte à votre continent et à votre pays. Je désirais revenir en Afrique, et une triple motivation m’a été fournie pour réaliser ce voyage apostolique. Il y a tout d’abord, Monsieur le Président, votre aimable invitation à visiter votre pays. Votre initiative est allée de pair avec celle de la Conférence épiscopale du Bénin. Elles sont heureuses, car elles se situent dans l’année où le Bénin célèbre le 40ème anniversaire de l’établissement de ses relations diplomatiques avec le Saint-Siège, ainsi que le 150ème anniversaire de son évangélisation. Étant parmi vous, j’aurai l’occasion de faire d’innombrables rencontres. Je m’en réjouis. Elles seront toutes différentes et elles culmineront dans l’Eucharistie que je célébrerai avant mon départ. Se réalise également mon désir de remettre sur le sol africain l’Exhortation apostolique post-synodale Africae
munus. Ses réflexions guideront l’action pastorale de nombreuses communautés chrétiennes durant les prochaines années.
Ce document pourra y germer, y grandir et y porter du fruit « à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un », comme le dit Jésus-Christ (Mt 13, 23).
Enfin, il existe une troisième raison qui est plus personnelle ou plus sentimentale. J’ai toujours tenu en haute estime un fils de ce pays, le Cardinal Bernardin Gantin. Durant d’innombrables années, nous avons tous les deux oeuvré, chacun selon ses compétences propres, au service de la même Vigne. Nous avons aidé au mieux mon prédécesseur, le bienheureux Jean-Paul II, à exercer son ministère pétrinien. Nous avons eu l’occasion de nous rencontrer bien des fois, de discuter profondément et de prier ensemble. Le Cardinal Gantin s’était gagné le respect et l’affection de beaucoup. Il m’a donc semblé juste de venir dans son pays natal pour prier sur sa tombe et pour remercier le Bénin d’avoir donné à l’Église ce fils éminent.
Le Bénin est une terre d’anciennes et de nobles traditions. Son histoire est prestigieuse. Je voudrais profiter de cette occasion pour saluer les Chefs traditionnels. Leur contribution est importante pour construire le futur de ce pays. Je désire les encourager à contribuer par leur sagesse et leur intelligence des coutumes, au délicat passage qui s’opère actuellement entre la tradition et la modernité.
La modernité ne doit pas faire peur, mais elle ne peut se construire sur l’oubli du passé. Elle doit être accompagnée avec prudence pour le bien de tous en évitant les écueils qui existent sur le continent africain et ailleurs, par exemple la soumission inconditionnelle aux lois du marché ou de la finance, le nationalisme ou le tribalisme exacerbé et stérile qui peuvent devenir meurtriers, la politisation extrême des tensions interreligieuses au détriment du bien commun, ou enfin l’effritement des valeurs humaines, culturelles, éthiques et religieuses. Le passage à la modernité doit être guidé par des critères sûrs qui se basent sur des vertus reconnues, celles qu’énumère votre devise nationale, mais également celles qui s’ancrent dans la dignité de la personne, la grandeur de la famille et le respect de la vie. Toutes ces valeurs sont en vue du bien commun qui seul doit primer, et qui seul doit constituer la préoccupation majeure de tout responsable. Dieu fait confiance à l’homme et il désire son bien. C’est à nous de Lui répondre avec honnêteté et justice à la hauteur de sa confiance.
L’Église, pour sa part, apporte sa contribution spécifique. Par sa présence, sa prière et ses différentes oeuvres de miséricorde, spécialement dans le domaine éducatif et sanitaire, elle souhaite donner ce qu’elle a de meilleur. Elle veut se montrer proche de celui qui est dans le besoin, de celui qui cherche Dieu. Elle désire faire comprendre que Dieu n’est pas inexistant ou inutile comme on cherche à le faire croire, mais qu’Il est l’ami de l’homme. C’est dans cet esprit d’amitié et de fraternité que je viens dans votre pays, Monsieur le Président.
(en fon) ACe MAWU T]N NI K]N DO BENIN TO ] BI JI (Que Dieu bénisse le Bénin !)

dimanche 6 novembre 2011

Bénin-actualités politique et sociale


Les spoliés des structures de placement 
d’argent à l’honneur
Les membres du gouvernement du Bénin étaient en réunion extraordinaire du conseil des ministres le 2 novembre 201. Les mesures à prendre pour accélérer le remboursement des spoliés des structures illégales de placement d’argent étaient à l’ordre du jour. Lire le communiqué du secrétariat général du gouvernement.
Le Conseil des Ministres s’est réuni en séance extraordinaire, le 02 novembre 2011, sous la présidence effective du Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement.
Au cours de la séance, le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et de la Législation et des Droits de l’Homme, Porte Parole du Gouvernement a fait au Conseil le point de la mise en œuvre des mesures prises par le Gouvernement pour le remboursement des déposants spoliés des structures illicites de collecte de l’épargne et de placement de fonds.
Il ressort de ce compte rendu que depuis le démarrage des remboursements aux déposants des structures illicites de collecte de l’épargne et de placement de fonds, seulement :
1.                quarante cinq (45) structures ont pu démarrer le remboursement progressif de leurs déposants ;
2.                sept (7) ont entièrement satisfait leurs victimes,
3.     sept (7) l’ont fait à plus de 50% ;
4.                trente et une (31) autres structures ont un taux très faible de remboursements de leurs clients.
En ce qui concerne plus spécifiquement les promoteurs d’ICC SERVICES, le Conseil a noté le refus délibéré de collaboration de la part des promoteurs depuis un certain temps contrairement à leurs premiers engagements.
Ce manque de collaboration se traduit notamment par le blocage des données informatiques tenues à leur niveau. Cette situation ne favorise guère l’identification précise de leurs  victimes.
En approuvant le présent compte rendu, le Conseil des Ministres, dans sa ferme volonté de faire aboutir le dossier de remboursement des déposants des structures illicites de collecte de l’épargne et de placement de fonds, a instruit les ministres concernés par la gestion de ce dossier à l’effet de la mise en œuvre d’une série de mesures complémentaires à celles antérieurement prises et dont l’exécution suit inexorablement son cours.
Dans ce cadre, le Conseil des Ministres a demandé :
1.                au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme avec la collaboration de l’Agent Judiciaire du Trésor, Présidente du Comité de Suivi :
·       de poursuivre la vente aux enchères des biens meubles et immeubles des promoteurs ICC SERVICES ;
·       d’inviter les notaires en charge des opérations de cession des biens immobiliers d’ICC services, à observer les diligences requises et d’accélérer le processus, conformément à l’ordonnance du Juge en date du 27 juillet 2011 relative à la mainlevée, la vente d’immeubles ainsi que la consignation de fonds issus de la vente desdits immeubles.
Actuellement, bon nombre d’immeubles bâtis ou non bâtis appartenant aux promoteurs de structures illégales de placement d’argent sont sous  mains de justice. Cependant la liste de ces biens immobiliers n’est ni exhaustive,  ni limitative.
Le Conseil saisit cette occasion pour lancer à nouveau un appel patriotique à tous les citoyens pour qu’ils continuent de fournir aux structures compétentes, notamment au Comité de suivi et au Comité de crise, des informations dont ils ont connaissance sur les biens meubles et immeubles appartenant ou liés à ces promoteurs de structures illégales de placement de fonds, singulièrement ICC SERVICES et ses promoteurs.

2.                au Ministre de la Décentralisation, de la Gouvernance Locale, de l’Administration et de l’Aménagement du Territoire :
·       d’instruire les Préfets des départements à inviter en urgence tous les maires des communes aux fins d’aider :
§   à continuer d’identifier les biens immeubles appartenant aux promoteurs d’ICC-SERVICES non encore placés sous mains de justice ;
§  à établir en urgence et dans un délai d’un mois au plus tard, pour les notaires, des conventions de vente pour les immeubles faisant l’objet de l’ordonnance du juge en date du 27 juillet 2011.
A cet effet, des instructions ont été données au Ministre de la Décentralisation, de la Gouvernance Locale, de l’Administration et de l’Aménagement du Territoire pour effectuer des contrôles réguliers de l’exécution des présentes décisions et de rendre compte au Conseil des Ministres.

3.                au Ministre de l’Environnement, de l’Habitat et de l’Urbanisme, de faire le point des acquéreurs des villas CEN SAD  et de préciser celles qui appartiennent aux promoteurs de structures illégales de collecte de l’épargne et de placement des fonds ;

4.                au Ministre de l’Economie et des Finances :
·        sous la supervision du Premier Ministre Chargé de la Coordination de l’Action Gouvernementale, de l’Evaluation des Politiques Publiques, du Programme de Dénationalisation et du Dialogue Social, d’inviter les banques détentrices des avoirs des intéressés à procéder immédiatement au dégel des comptes des promoteurs ICC SERVICES et CONSORTS, conformément à l’Ordonnance du Juge et de transférer les fonds dans le compte du Trésor Public ouvert à cet effet ;
·        de faire procéder à l’immatriculation des fonciers bâtis et non bâtis au profit des acquéreurs des biens vendus aux enchères.

Fait à Cotonou, le 04 novembre 2011
Le Secrétaire Général du Gouvernement,


Eugène DOSSOUMOU

mercredi 2 novembre 2011

Engrais et pesticides au Bénin et au Burkina Faso


Le lourd tribut de la filière coton

Les produits chimiques, même prohibés, destinés à l’usage dans la culture du coton sont utilisés à d’autres fins et provoquent des conséquences allant jusqu’à la mort. Les mauvaises manipulations d’engrais et de pesticides entrainent un lourd tribut payé par tous, notamment les producteurs de coton ainsi que les autres agriculteurs, éleveurs, pêcheurs de leur voisinage. La faune, la flore ainsi que les ressources en eau en pâtissent. 

Le coton est le produit agricole le plus vulnérable face aux assauts des insectes et autres ravageurs au Bénin comme au Burkina Faso. Principale culture de rente pour ces deux pays exportateurs, sa rentabilité exige le recours à l’usage « incompressible » de produits chimiques. Des engrais et des pesticides qui ont des effets immédiats et à long terme néfastes sur les producteurs, conduisent parfois à la mort. Et en plus, plusieurs sources dans le secteur affirment que la forte propension des producteurs à l’usage de l’endosulfan  ou autres violents insecticides, malgré leur interdiction, relève d’autres réalités. En effet, en dehors du cotonnier, les agriculteurs utilisent tout ce qui est disponible et efficace pour la conservation des céréales et « cossettes » de tubercules d’igname ou de manioc qui sont très vulnérables face aux insectes.
« Quelques gouttes d’endosulfan  dans un sac suffisent pour conserver durant quasiment un semestre tout vivrier vulnérable à l’assaut des insectes » a indiqué Assani Mazourou, cultivateur à Kérou, à plus de 800 Km de Cotonou, au Bénin, montrant du doigt un important stock de vivriers dans une chambre isolée des cases habitées. 
C’était en juin 2011. Une efficacité recherchée en vain pour ce qui concerne les insecticides spécifiques des céréales tel le sofagrain, dont l’efficacité est remise en cause par la plupart des producteurs rencontrés sur le terrain au Bénin. Ainsi, les substances comme l’endosulfan  destinées à tuer les insectes ravageurs du cotonnier se retrouvent dans les aliments à différentes doses. Lorsque la date de la consommation des vivriers n’est pas éloignée de celle du traitement à l’insecticide, on assiste à des intoxications alimentaires pouvant conduire à la mort. 
La commune de Tchaourou, située à 300 Km environ de Cotonou, a régulièrement, enregistré ses cas de suicides collectifs au cours des cinq dernières années. Les communes de Bantè, Gogounou, Djougou etc, ont compté leurs énièmes morts en cette année 2011 au début de la campagne en cours. Aussi, sur le marché, il est impossible de savoir si le produit vivrier acheté a été traité ou non avec un insecticide violent, encore moins la date du traitement. Ainsi, la liste des victimes innocentes est longue au point qu’on peut affirmer, sans la moindre étude, que tous les Béninois et Burkinabés se sont intoxiqués au moins une fois, à doses diverses, à un insecticide du cotonnier. Puisque tout le monde a consommé plusieurs fois des produits vivriers en provenance de régions productrices de coton. 

Quand le producteur s’accroche aux substances dangereuses

Dans la matinée du jeudi 1er septembre 2011, face à une équipe de reportage, Issifou Amoudou, producteur de coton dans la région de Kouandé, à environ 600 Km de Cotonou, dans le département de l’Atakora, au Bénin, vêtu d’une culotte et d’une chemise sans boutons, pulvérisant son cotonnier au pesticide « tihan », déclare : « L’endosulfan   est un produit très efficace qui vaut mieux que le « tihan », actuellement distribué et entièrement subventionné ». Suivant  ses explications, « l’endosulfan  tue immédiatement les insectes ravageurs ainsi que d’autres animaux tels les vers de terre qui sortent du sous sol pour mourir aussitôt après un traitement... ». Or, le produit de substitution qu’est « le « tihan » a un effet lent et parfois pas du tout sur les insectes » explique-t-il. 
Pourtant, le cotonnier qu’il affirme avoir traité au « tihan », présente à la vue un bon aspect. Les plantes y évoluent normalement et portent déjà les premières fleurs déjà en fin du mois d’août. Avec cet état d’esprit, certains producteurs de coton continuent de se ravitailler en produits prohibés. 
Belco Latif, représentant la Centrale de sécurisation des paiements et de recouvrement de la filière coton (Cspr), dans les départements du Borgou et de l’Alibori au Bénin déclare : « Avec le caractère poreux des frontières autour du territoire national, le constat est que même les produits prohibés, comme l’endosulfan, sont encore disponibles dans les champs et même dans les maisons en régions agricoles en général et en zones cotonnières en particulier. Le marché nigérian est la principale source d’approvisionnement en produits prohibés… ». 
Pour Assani Mazourou, cultivateur à Kérou, à plus de 800 Km de Cotonou, au Bénin, « Le   tihan  est un produit comestible. Il tue à peine les insectes et ne produit aucun effet insupportable sur l’homme, en tout cas, pas sur ma personne… ». 
Selon les témoignages reçus par Freddy Houédokoho, ingénieur agronome, technicien spécial en appui à la gestion coopérative, intervenant dans le projet d’assainissement et de relance de la filière coton de l’Association interprofessionnelle de coton (Aic) à Kouandé, le nouveau produit  tihan  est utilisé par certains producteurs pour soigner certaines maladies de la petite volaille et même pour soigner l’homme. C’est le cas de certains producteurs qui imbibent de  tihan  le coton et le pose sur la dent en cas de carie dentaire. Affirmation insistante de producteur qui reste non vérifiée. Ailleurs, c’est les poux qu’on tue dans les cheveux avec des insecticides du cotonnier.

Victime par ignorance et/ou cupidité…

L’ignorance et la cupidité de certains producteurs conduisent à des actes répréhensibles qui ne font pas encore objet de poursuite judiciaire. En effet, entre autres actions répréhensibles, il arrive que des pêcheurs d’un genre nouveau utilisent des pesticides violents pour affaiblir dans les cours d’eau des poissons qu’ils pêchent par simple ramassage à la surface de l’eau.
Cette pratique a cours au Bénin, selon les témoignages recueillis, dans les communes de Savalou, à environ 230 Km de Cotonou,  de Natitingou, à 550 Km environ de Cotonou et de Djougou, à près de 500 Km de Cotonou. Leur mode opératoire est tout simple. Il suffit de quelques goutes d’insecticide puissant dans un cours d’eau pour que quelques minutes plus tard sa surface soit envahie par des poissons tantôt morts, tantôt sérieusement affaiblis et se débattant. Des produits halieutiques ainsi ramassés sont généralement destinés à la consommation des pêcheurs insolites ainsi que leur voisinage et pire à la vente sur les marchés. 
Selon Issifou Amouda, à Afon, dans la commune de Djougou, après la crue, lorsque le niveau des eaux baisse, il y a des personnes mal intentionnées qui utilisent des insecticides pour capturer les poissons dans une rivière qui se jette dans l’Ouémé, le plus grand fleuve du Bénin qui traverse quasiment tout le territoire. Ces indélicats ne sont pourtant pas des producteurs de coton habiletés à manipuler des pesticides du cotonnier.
Totian Iliassou, producteur de coton à Banikoara, à environ 750 Km de Cotonou, au Nord du Bénin, déclare : « Il arrive que des personnes que nous ne reconnaissons pas productrices de coton viennent se ravitailler en produits phytosanitaires, en petites quantités et au prix fort, auprès de nous …».
Ainsi, des produits dangereux se retrouvent dans des mains inappropriées qui en font usage sans respecter la moindre norme. Par ailleurs, il est visible dans toutes les régions cotonnières du Bénin qu’aucun champ de coton n’est isolé de ceux des vivriers de quelque nature que ce soit. Toute chose qui conduit à la contamination passive des récoltes de produits vivriers. Le risque est très grand lorsque le vivrier arrive à maturation pendant que le cotonnier continue d’être traité aux produits phytosanitaires a expliqué Belco Latif. 
Il est important d’évoquer également le fait que certains producteurs du vivrier traitent leur champ aux insecticides du cotonnier, surtout en ce qui concerne les plantes quasiment de la même famille que le coton. C’est le cas du « gombo » ainsi que la plante qui produit la fleur utilisée pour la boisson dénommée « bissape ». Des témoignages rapportent aussi que des produits phytosanitaires du cotonnier se retrouvent souvent entre les mains des maraîchers qui les utilisent sur des produits à consommer crus.
Pour M. Freddy Houédokoho, soutenu par M. Belco Latif, les comportements répréhensibles du producteur ainsi que ses agissements par ignorance relèvent d’un entêtement qu’ils ne s’expliquent pas en tant qu’encadreurs avisés. Car, selon leurs affirmations, l’encadrement, tant du service publique que des associations soutenues par les partenaires au développement, sensibilise de manière continue tous les acteurs de la filière et plus encore les producteurs intervenant directement dans les cotonniers. Aussi, soutiennent-ils, qu’au cas où la sensibilisation ferait défaut, comment comprendre que les mauvais comportements conduisant à des suicides réguliers continuent malgré le lourd tribut déjà payé. Un tribut payé par l’ensemble de la société, particulièrement les producteurs eux-mêmes ainsi que leurs entourages. Ainsi, l’encadrement a encore du chemin à parcourir pour une filière moins meurtrière reconnaissent, désabusés, Messieurs Freddy Houédokoho et Belco Latif.

La santé des producteurs en grand danger

Le Gama 20, l’endosulfan, etc., sont des produits, autrefois utilisés de manière systématique et de façon résiduelle au cours de la dernière campagne cotonnière au Bénin et au Burkina Faso. De mémoire de producteurs de coton Béninois et Burkinabé, ses insecticides sont, de loin, les plus dangereux en matière de traitement phytosanitaire. Il s’agit de pesticides aussi « efficaces » sur les insectes ravageurs du cotonnier que certains producteurs, tant de la filière coton que des vivriers en sont nostalgiques au Bénin et au Burkina Faso où leur usage est pourtant interdit. En Occident, ce produit est déjà retiré de la liste des insecticides homologués dans le traitement phytosanitaire depuis le début de la décennie 80. Une période où le coton n’était  pas encore le principal produit de rente au Bénin et au Burkina Faso. Les producteurs sont conscients de la dangerosité des produits au point que certains d’entre eux les utilisent pour empoisonner leurs « adversaires ». 
Dr Issa Tapsoba, médecin, enseignant à l’université de Ouagadougou au Burkina Faso précise que ce ne sont pas seulement les fortes doses qui sont toxiques et dangereuses pour la santé animale en générale et humaine en particulier. « C’est le taux d’exposition très élevé qui présente des risques de contamination, donc de maladie » a-t-il précisé. Il reconnaît qu’il est difficile de faire un lien direct entre les pesticides et les maladies sans une étude sur le sujet. Il s’agit de maladies qui se déclarent bien plus tard, a-t-il ajouté. Pour ce qui concerne les malaises immédiats, chaque année, la formation sanitaire du Dr Tapsoba reçoit au moins 600 cas de malades par intoxication aux pesticides. Les intoxications interviennent par inhalation, par injection ou par pollution. Ces malaises immédiats se manifestent par des vomissements, des céphalées, des vertiges et parfois les individus sombrent dans un coma. 
A 35 ans, Hamidou Sawadogo, producteur de coton burkinabé, commence à avoir peur des pesticides. Les vertiges et les céphalées sont les maladies quotidiennes après chaque traitement du cotonnier. Il est dans cette activité depuis son enfance. « Il arrive que le vent renvoie le produit sur nous, parfois nous nous évanouissons. Cela m’est arrivé deux ou trois fois déjà. » a-t-il affirmé. 
Monsieur Madi Segda, dans la Sissili, à 163 Km au centre ouest de Ouagadougou au Burkina Faso, n’a pas eu la même chance. Cet élève coranique aurait succombé après une dure journée de traitement de cotonnier.
Les cas les plus graves de contamination aux insecticides conduisent en effet à la mort. Et ceci essentiellement pour ce qui concerne les producteurs qui utilisent lesdits produits chimiques sans prendre les mesures de protection indiquées tel le port de tenues spécifiques, allant des combinaisons vestimentaires jusqu’aux casques et cache-nez ainsi que les mesures hygiéniques indispensables à prendre après les manipulations. Pourtant, il n’est pas rare de voir des producteurs de coton soutenir le contraire. 
Sié Coulibaly, producteur de coton dans la commune de Sidéradougou dans la province de la Comoé, à 600 Km de Ouagadougou, affirme que les gants ne permettent pas une manipulation efficace des produits et autres objets à l’occasion du traitement du cotonnier. Toutefois, certains producteurs rencontrés au Bénin et au Burkina Faso aimeraient bien prévenir des risques en utilisant les combinaisons de protection appropriées. Mais le manque de moyens ainsi que les questions de la disponibilité et de l’accessibilité restent de grands obstacles.

Environnement agressé et perturbé

L’équilibre de l’environnement en souffre aussi selon les chercheurs. Des études ont été conduites pour apprécier l’impact de l’usage desdits produits chimiques sur l’environnement. Ainsi, selon les Administrations des deux pays, des chiffres, généralement au dessous de la réalité, sont disponibles pour illustrer le lourd tribut payé par tous, notamment les producteurs de coton ainsi que les autres agriculteurs, éleveurs, pêcheurs de leur voisinage. Un cadre du ministère chargé de l’agriculture au Bénin parle de la « rançon d’une croissance économique mitigée ».
Suivant les témoignages des paysans, il arrive qu’on retrouve des cadavres de différents reptiles tels les serpents ainsi que des batraciens et vers de terre dans les champs de coton quelques heures après un traitement à l’ endosulfan  entre autres insecticides. Or, nul n’ignore l’importance de ces espèces dans l’équilibre de l’écosystème affirment les scientifiques qui ont mené des études à l’instar du Dr Elisabeth Yèhouénou de l’Ecole polytechnique à l’université d’Abomey-Calavi au Bénin. Les conséquences de l’usage des pesticides dans le cotonnier sur la faune sont diverses. Abou Bio Gado Moussa, élève assistant son père dans le traitement d’un cotonnier à Banikoara, affirme qu’il arrive que les animaux de la volaille, élevés dans les voisinages, meurent par plusieurs dizaines après avoir picoré les cadavres d’insectes qui jonchent les champs traités aux insecticides violents. Le pire, affirme-t-il, est le cas du bétail, tels les bœufs, qui meurent après s’être abreuvés dans les eaux de ruissellement côtoyant les champs de coton traités quelques minutes avant une pluie.  En 1995, dans la région Est du Burkina, des pesticides ont causé la mort de nombreux poissons dans des cours d’eau, rapportent des cadres de la Société des fibres et textiles (Sofitex), chargés par ailleurs de l’encadrement des producteurs.
Suivant une étude effectuée en 2000 par le Dr. Elisabeth Yèhouénou épouse Azèhoun-Pazou, chercheur à l’université d’Abomey-Calavi, sur « Les résidus de pesticides chimiques de synthèse dans les eaux, les sédiments et les espèces aquatiques du bassin versant du fleuve Ouémé et du lac Nokoué », le constat est alarmant. Sur 21 sites de prélèvement dans le fleuve Ouémé et dans le lac Nokoué ainsi que dans la lagune de Cotonou en aval, on constate que les eaux, leurs sédiments et leurs espèces halieutiques sont contaminés par une vingtaine de pesticides. A titre d'exemple, sur quatre espèces et neuf variétés de poissons pêchés dans lesdites eaux, aucune n'est épargnée par la contamination aux pesticides. Les plus présents sont l'Endosulfan, l'Aldrine, le Dieldrine et l'Hexachloroyclohexane sur la vingtaine identifiée. A quantité égale de poisons de différentes espèces, ces produits chimiques sont présents à doses variées mais "au dessus du seuil toléré par l'organisme humain en cas de consommation abondante". En d'autres termes, les pesticides sont dans les assiettes de tous les Béninois peut on affirmer à la lecture des conclusions de cette étude.
Ces contaminations sont très élevées au niveau des régions cotonnières au point de dépasser largement des seuils tolérables par l’organisme humain en cas de consommation des eaux ainsi que ses produits halieutiques. Pourtant, ces études révèlent qu’à la source, au niveau de la chute de Tanéka Coco, le fleuve Ouémé ne présente aucune contamination. Suivant les conclusions desdites études, la recherche propose, après expérimentation, que les populations consomment les produits halieutiques après les avoir fait frire. Méthode de cuisson qui élimine à plus de 90% les résidus de pesticides. Mieux que les autres formes de préparation allant de la cuisson à l’eau, par fumage jusqu’à celle par séchage au soleil. Cette dernière est plus acceptable que les deux précédentes. La cuisson à l’eau étant celle qui présente le plus de risque pour l’organisme humain. 
Par ailleurs, cette même étude à recommandé l’interdiction de l’usage de l’« endosulfan » au Bénin. Cette recommandation faite devant le « Conseil économique et social » du Bénin aurait influencé la décision gouvernementale du remplacement de l’« endosulfan » pas le « tihan » rapportent des cadres du ministère chargé de l’agriculture. Ces résultats ne sont pas différents de ceux obtenus par un groupe de chercheurs qui ont conduit une étude sur l’« analyse écosystémique des effets de pesticides chimiques de synthèse sur la santé humaine en zone cotonnière au Bénin » en 2006.
« Il arrive que de vastes étendues de terres dégarnies, quasiment sans végétation, soient abandonnées à la suite de plusieurs années de culture intensive de coton dans certaines régions de grandes exploitations, notamment dans la partie septentrionale du Bénin… » a affirmé Monsieur Belco Latif, représentant la Centrale de sécurisation des paiements et de recouvrement de la filière coton (Cspr), dans les départements du Borgou et de l’Alibori au Bénin. En effet, il est facile de constater cet état de chose dans la commune de Banikoara, dans le département de l’Alibori à environ 750 Km de Cotonou. Cette commune étant la plus grande productrice de coton du pays. Au Burkina Faso, cet effet de l’usage des produits phytosanitaires sur la flore est perceptible dans plusieurs localités dont les terres sont abandonnées par des producteurs qui se livrent au « nomadisme agricole » selon les expressions d’un encadreur rural burkinabé.

La croissance économique a gagné

Les recherches effectuées par les universitaires Samuel Paré et Issa Tapsoba au Burkina Faso ont montré que les pesticides, même utilisés avec précaution, présentent des risques pour la santé des êtres vivants et les écosystèmes. Leur persistance et leur dissémination, auxquelles s’ajoute la tendance qu’ont certains pesticides à se concentrer dans les organismes en remontant la chaîne alimentaire peuvent aggraver leurs effets toxiques et avoir des incidences néfastes sur la santé et le bien être des humains. Ces produits se retrouvent aussi, à plus ou moins brèves échéances, dans les eaux souterraines. Les mêmes études effectuées dans les régions cotonnières du Burkina Faso, ont conduit aux résultats qui montrent que les eaux et les sols sont bien souvent contaminés. 
M. Houédokoho, ingénieur agronome béninois, soutient que des études montrent que la toxicité à long terme des sols et leur acidité ne sont pas maîtrisables après plusieurs campagnes cotonnières sur une même terre. Selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms) entre 0,4% et 0,8% des pesticides utilisés (chiffres variant selon la pratique d’utilisation et de pulvérisation) peuvent être lessivés pour polluer les eaux des rivières et les nappes. Ces fractions paraissent bien faibles mais ces substances principalement les hydrates de carbones chlorés, les nitrites… sont non seulement toxiques mais souvent chimiquement stables et ne se dégradent pas dans le temps. D’où un effet sur le long terme sur la qualité des eaux. La pollution de l’environnement provoque une contamination directe des êtres vivants. 
Dans la pratique, les producteurs nettoient souvent, le matériel servant à pulvériser le cotonnier dans les mares et autres cours d’eau. « Allez-y au barrage, vous trouverez des bidons de pesticides » a lancé, déçu, M. Emmanuel Boni, acteur agricole à Koumbia dans le Tuy à 280 Km à l’ouest de Ouagadougou au Burkina Faso. « Vous voyez là bas, les producteurs de coton ont jeté des emballages dans le ruisseau, or en aval, les gens y puisent l’eau de boisson. » a confié un agriculteur du village de Badala à 352 Km à ouest de Ouagadougou en un point d’eau où a été jeté plusieurs emballages de pesticides.
 Pour comprendre l’ampleur du dégât, il faut évaluer la quantité des produits enfouis chaque campagne cotonnière dans le sol pour une bonne appréciation. Au Bénin, suivant les chiffres de la Cspr, confirmés par les services du ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, notamment la direction de l’agriculture, pour la campagne 2010 - 2011,  l’Alibori, le département le plus producteur de coton, a consommé 1.046.779 litres de pesticides, tous produits confondus, sur 1.448.289 litres au plan national. Pour ce qui est des engrais, 29.234.950 kilogrammes sur 43.914.300 kilogrammes comme total national. Or, ladite campagne cotonnière est intervenue dans un contexte de chute drastique de la production selon le ministre béninois de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, M. Sabaï Katé qui met tout en œuvre pour relever la pente au cours de la campagne 2011 – 2012.  Préoccupation bien partagée par son homologue burkinabé, Laurent Sédogo, chargé de l’agriculture, de l’hydraulique et des ressources halieutiques. Ainsi à court terme, l’objectif n’est pas à la réduction de la quantité de produits chimiques manipulés par les producteurs agricoles. C’est là autant de substances chimiques régulièrement enfouies dans les sols afin de promouvoir une culture de rente nécessaire à la réduction du déficit de la balance commerciale, donc à l’accélération de la croissance économique. Mais les conséquences sont aussi dramatiques.


Des échiffres qui préoccupent

Selon une étude effectuée par le professeur Mamadou Sawadogo, universitaire burkinabé, sur les effets des pesticides sur les hommes et leur environnement, on constate que le mal est là et mérite qu’on s’y attarde. En effet, sur un échantillon de 100 producteurs chargés des traitements phytosanitaires dans la zone cotonnière de Gourma au Burkina Faso, des maux de têtes sévères sont les symptômes  les  plus  fréquents  qui affectent  92 % des  enquêtés. A cela il faut ajouter  des cas de vertiges pour 83 %, de tremblements des mains pour 54 %, de nausées ou vomissements pour  21 %,  de troubles  de  la  vue pour  21 %. Aussi, note-t-on  des cas de transpirations  excessives  pour  13  %, une tendance à l’étourdissement pour 8 % et une hyper-salivation pour environ 8 %. Une étude que les chercheurs souhaitent étendre à plus de producteurs de coton afin de disposer d’outils de lecture plus approfondie sur la situation en vue de mettre plus d’éléments d’appréciation et de prise de décision à la disposition des pouvoirs publics.

Aubin R. Towanou, 
(Avec la collaboration du journaliste burkinabé  Abdou Razak Napon)
                Enquête réalisée  avec le soutien de 
« Danish Association for Investigative Reporters » (FUJ)