vendredi 6 mai 2011

Burkina Faso

UN SOLDAT MUTIN BURKINABE SE CONFIE A RFI
Ouagadougou, 1er avril 2011. Un soldat salue le président Blaise Compaoré.
Ahmed Ouoba
Par RFI
La mutinerie des militaires burkinabè est-elle terminée ? C'est la grande question aujourd'hui au Burkina Faso. Le gouvernement a promis des mesures, notamment des primes de logement et d'alimentation. Suffiront-elles à dissiper un malaise qui semble profond ? Un soldat mutin se confie à RFI.
Pas facile pour un soldat d’accepter de parler micro ouvert. Mais Adama (prénom d'emprunt) a tant de choses à dire : ses difficultés au quotidien, se loger, se nourrir, quand les prix ne font que grimper. Et les chefs qui restent sourds à leurs revendications.
« On leur en veut beaucoup. Ils ne nous respectent pas, et quand on vient souligner une doléance, ils nous chassent. Ils nous insultent comme des enfants. On les soupçonne de détourner de l’argent, beaucoup ».
Pas de doute, le malaise au sein de l’armée burkinabè est profond. C’est pour cela que les soldats se sont mutinés.
« Ce n’est pas de notre faute. Les militaires maintenant, nous sommes devenus des insolvables. On partage le même quotidien, comme les civils. Tout ça, s’est ressorti dans ce problème. C’était très violent ! Il fallait ça. Et maintenant, quand on est sorti avec les armes, on nous a écouté ».
Aujourd’hui, selon Adama, la troupe a le sentiment d’avoir obtenu satisfaction. Les primes seront revues à la hausse et Blaise Compaoré a pris le poste de ministre de la Défense dans le nouveau gouvernement.
« Le président a dit de se calmer. Lui-même il s’en chargera. On le croit. Il va le faire. Tout est calme pour le moment. Pour le moment tout est calme… Parce qu’un matin, si on n’est pas satisfait, on va ressortir encore.
 - Les civils n’ont pas d’armes ? 
 - Tant pis pour eux ! Mais nous, on a des armes. On peut toujours se faire entendre ».
Ont-ils peur des sanctions ? Non, répond sans ambages Adama.
« On ne peut pas condamner tous les militaires burkinabè. Si réellement on veut condamner les militaires burkinabè, c’est les autorités d’abord. Il n’y a pas de raison que nous les petits, on paie ».
Du côté du commandement militaire, on ne souhaite pas s’exprimer pour le moment.
Le 14 avril 2011, les militaires du régiment de sécurité présidentiel se mutinent à Ouagadougou. Très vite la mutinerie se répand à d'autres casernes. Plusieurs raisons sont avancées sur la révolte des soldats : des primes de logement non versées, une décision de justice jugée trop lourde à l'encontre de cinq soldats.
À la suite de ces incidents et des pillages, le président Blaise Compaoré avait limogé son chef d'état-major et plusieurs responsables de la chaîne de commandement des forces de l'ordre. 



France-Afrique
LA FRANCE EXPULSE 14 «EX-DIPLOMATES LIBYENS»
La France déclare « persona non grata » 14 ex-diplomates libyens. Ils disposent de 24 à 48 heures pour quitter le territoire français. Ces diplomates avaient tous été nommés par le régime de Mouammar Kadhafi.
Côte d’Ivoire
IBRAHIM COULIBALY : PARCOURS ET MORT D’UN PUTSCHISTE PROFESSIONNEL
Ibrahim Coulibaly, dit «IB», le 19 avril 2011 lors d'une conférence de presse.
AFP/Issouf Sanogo
« C’est en uniforme militaire que je me sens le mieux », disait souvent Ibrahim Coulibaly qui n’était pas au clair avec lui-même sur la place qu’il entendait occuper dans la vie publique ivoirienne. Tantôt politique, tantôt militaire, IB se sentait en tout cas investi d’un destin national en Côte d’Ivoire. Ibrahim Coulibaly est né le 24 février 1964 à Bouaké. Il a été incorporé dans les Forces armées de Côte d’Ivoire (Fanci) en 1985. Sergent-chef, il s’est illustré dans la vie politique et militaire de son pays en participant à de multiples coups avant de tomber sous les balles, le 27 avril 2011, de ceux qui combattaient dans le même camp que lui pour la chute du régime Gbagbo.
Après avoir connu la prison en France en septembre 2003, où il a été arrêté et accusé de fomenter un coup d’Etat en Côte d’Ivoire, Ibrahim Coulibaly, alias IB, a dit avoir compris qu’ « il ne faut laisser à personne le soin de jouer à sa place un rôle majeur ». Allusion directement faite à Guillaume Soro à qui il aurait demandé d’animer la branche politique du MPCI (Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire), la rébellion qui a pris souche dans le nord du pays. Selon lui, « Bogota » comme il appelait familièrement Guillaume Soro était tout indiqué pour occuper ce poste, lui qui avait fait « des études universitaires » et qui avait été leader de la fédération estudiantine, FESCI.
Ibrahim Coulibaly est un « intrigueur »
Tapis dans l’ombre, il aime tirer sur les ficelles, ordonner un système sans qu’on ne découvre le métronome. Aujourd’hui encore il l’a mis en pratique en étant le chef d’orchestre du fameux « commando invisible », à la différence que, cette fois, au terme d’une première phase d’actions, il se montre pour immédiatement chercher à en tirer les bénéfices.
Le 24 décembre 1999 Ibrahim Coulibaly était déjà un des cerveaux du coup d’Etat qui renversa le président Henri Konan Bédié. Ils étaient une bande de sous-officiers contestataires et révoltés qui ont pris les armes contre les autorités politiques aveuglées par leur nouvelle trouvaille « l’ivoirité ». Cette thèse qui se voulait déterminante dans l’expression de l’identité d’un pays est devenue le cauchemar des « gens au sang mêlé ». Les populations du nord du pays, de la grande famille du Mandé (empire du Manding) se sentaient marginalisées et traitées « d’étrangers » dans leur propre pays. IB est de ceux-là, lui dont le patronyme est autant du Sénégal, de Guinée, du Mali, du Burkina Faso ou du Niger que de Côte d’Ivoire. Pour eux il fallait vite revenir à la Côte d’Ivoire de Félix Houphouët Boigny. Aussi, lors du putsch a t-il fallu trouver un officier, incarnant cette image et qui ne soit pas trop encombrant. « Nous sommes allés chercher le général Robert Guéi et là j’ai vu des officiers peureux », s’amusait Ibrahim Coulibaly.
Mais très vite Robert Guéi a pris de la bouteille et attendait beaucoup de respect dû à son grade. Général tout de même. Il ne voulait pas être sous la coupe de sous-officiers nerveux, fussent-ils grands, costauds et forts comme Ibrahim Coulibaly. Ce dernier, sergent-chef, mesurait environ 2m pour plus de 120kg de muscle. Il était aussi judoka ceinture noire.
Pour mieux asseoir son pouvoir le général Robert Guéi a procédé à une redistribution des cartes au sein l’ordre militaire et a fait «exploser le groupe des sous-off putschistes». Le meneur IB est remercié pour ses bons et loyaux services et nommé attaché militaire auprès de l’ambassade de Côte d’Ivoire au Canada. Un poste, en principe, réservé à un officier supérieur. L’homme se rend compte qu’on veut l’éloigner et très vite organise un coup d’Etat qui échoue, en septembre 2000. Plusieurs de ses compagnons sont tués. Il promet de les venger en traitant le général Guéi «d’ingrat».
Le rebelle marginalisé par les siens
Ibrahim Coulibaly prend le chemin de l’exile et trouve refuge au Burkina Faso. Il réorganise une prise de pouvoir à Abidjan le 19 septembre 2002. Laurent Gbagbo est président de la République. Le coup échoue mais de nombreuses personnalités sont tuées dont le général Robert Guéi. Les insurgés se replient dans le nord du pays qui passe sous leur contrôle. Chef militaire du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), il perd progressivement le pouvoir, dès 2003, au profit du secrétaire général du mouvement, Guillaume Soro. Ce dernier est sur tous les fronts de négociations. C’est lui que l’on voit, c’est lui le chef. Les deux hommes se brouillent. Guillaume Soro fédère les différentes tendances de la rébellion, MPCI, MPIGO (Mouvement populaire ivoirien du Grand Ouest), et MJP (Mouvement pour la justice et la paix) pour créer les Forces nouvelles. La rébellion contre le pouvoir d’Abidjan est désormais sous le commandement de Guillaume Soro. Ibrahim Coulibaly est marginalisé.
Ibrahim Coulibaly dit IB quitte la prison de Fresnes le 17 septembre 2003.
AFP/Jean Ayissi
Puis c’est à Paris qu’il entreprend de «récupérer son travail», comme il se plaisait à dire. Il s’agissait du commandement général de la rébellion qui lui avait échappé. Mais entre-temps Abidjan et Paris avaient commencé de faire un pas l’un vers l’autre. Plusieurs accords de retour au calme étaient engagés et la France ne pouvait laisser IB retourner au pays. Il n’était plus un secret pour personne que l’homme avait l’intention de régler ses comptes avec Guillaume Soro.
Appréhendé quelques jours avant son retour au pays, en compagnie de quelques fidèles, le 25 août 2003, dans un grand hôtel parisien, il s’est vu reprocher «l’appartenance à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste» par les autorités françaises. Ecroué, il obtient une libération sous contrôle judiciaire un mois plus tard. Il se fait discret, voyage en Europe et très rapidement rejoint le Bénin. Il reconstitue méthodiquement un groupe de dévoués mais un mandat d’arrêt international lancé en 2009 par la Côte d’Ivoire perturbe ses plans. Le Bénin lié par les conventions internationales ne peut plus lui offrir sa protection. IB disparaît et donne des nouvelles de lui quelque part au Ghana. En se rapprochant de la Côte d’Ivoire, il organise des opérations d’infiltration avant d’occuper physiquement et clandestinement «le terrain», en l’occurrence le quartier Abobo.
IB sort de ca cachette et se met en scène lui-même
Les événements évoluent en Côte d’Ivoire. La victoire à l’élection présidentielle est revendiquée par Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Guillaume Soro est dans le camp d’Alassane Ouattara et de fait, lui apporte l’appui des Forces nouvelles (ex-rebelles). IB et ses hommes harcèlent les Forces de défense et de sécurité pro-Gbagbo. Ils contrôlent des zones pro-Ouattara de la capitale, mais à la chute du régime il ne dépose pas les armes et n'opère pas non plus un ralliement automatique aux Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI). Autoproclamé, général de division, il attendait une reconnaissance «officielle» pour le travail accompli, avant de se mettre au service du président Alassane Ouattara. Il voulait avant tout négocier pour qu’on « donne à césar ce qui est à César » disait-il lors d’une récente conférence de presse. Car, sans armes il n’est rien, ses hommes non plus.
Mais l’offre des nouvelles autorités ivoiriennes était une pilule difficile à avaler. Le président Ouattara, dont il avait été le garde du corps lorsque ce dernier était Premier ministre au début des années 90, lui proposait de discuter avec Guillaume Soro, Premier ministre et ministre de la Défense. Il décline l’offre, mais le président met ses menaces en exécution : «Toutes les milices doivent déposer les armes sinon elles y seront contraintes par la force».
Aujourd’hui c’est l’incompréhension dans le camp des Ouattaristes. Et ceux qui s’expriment parlent d’exécution de quelqu’un dont on voulait se débarrasser. Les autres, les autorités, ont exprimé leur regret et le sort malheureux d’homme entêté









Sénégal
LE MINISTRE SENEGALAIS DE LA JUSTICE DEMISSIONNE DANS UN CONTEXTE DE CRISE
Palais de justice de Dakar, Sénégal.
Laurent Correau / RFI
Par RFI
Au Sénégal, le ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy, a démissionné de ses fonctions. L’annonce a été faîte jeudi 5 mai 2011 au soir sur la télévision publique. Aucune raison officielle n’a été annoncée. Mais sa démission coïncide avec un mouvement de grève des magistrats et une série de dossiers remettant en question le système judiciaire.
Près de onze mois après sa nomination au ministère de la Justice, Cheikh Tidiane Sy démissionne de son poste dans un contexte de crise du système judiciaire.
Les magistrats, par exemple, ont entamé un mouvement d’humeur depuis lundi pour réclamer l’indépendance de la justice. « Nous ne voulons plus d’immixtion du pouvoir exécutif dans le pouvoir judicaire », déclare Abdoulaye Ba, le président de l’union des magistrats du Sénégal, joint par RFI. « Nous voulons une justice crédible, poursuit-il, que l’impunité cesse et que les magistrats du parquet puissent avoir leur indépendance ».
Dernière affaire en date : le second procès des chantiers de Thiès, dans laquelle l’indépendance du parquet a été récemment remise en question.
L’opposition, qui ne s’attendait pas à ce départ, partage la même opinion que les magistrats et lie aussi cette démission à une crise du système. « Aucun dossier n’a été jugé de manière indépendante, que ça soit des affaire de mœurs, de corruption et de blanchiment », explique Abdoulaye Bathily, le secrétaire général de la Ligue démocratique.
Enfin, c’est la crédibilité même de Cheikh Tidiane Sy qui avait été entamée le 19 mars dernier, lorsque le ministre était monté au créneau à la télévision publique, pour dénoncer « un complot visant à la réalisation d’un coup d’Etat », qui aurait été fomenté par des jeunes de l’opposition. Quelques jours plus tard, la position officielle change et le gouvernement se rétracte, annonçant que qu’il n’était pas possible « de dire avec certitude qu’il s’agissait d’un complot ».